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Détail de la contribution

Auteur: Nathalie AUGER

Titre:
Sortir du stéréotype du bilingue à l'Ecole française ?


Abstract/Résumé: La linguistique socialement responsable s’inquiète de la formation des personnes désavantagées. Les premières enquêtes sociolinguistiques sur les élèves étrangers nouvellement arrivés en France (Porcher 1984, Dabène 1989) révélaient que ces derniers étaient largement perçus dans leur possibilité à développer une compétence linguistique en français (le pays d’accueil) en fonction de la/ des langues parlées en famille. Ainsi, le marché linguistique (Bourdieu 1982) était défavorable aux langues des pays anciennement colonisés par la France (Maghreb, Afrique Noire) et/ou dont le niveau économique n’est pas très élevé. Ce stéréotype invalidait les possibilités de bilinguisme pour ces populations. Nous définirons donc le stéréotype après les psychosociologues comme le figement d’une représentation et/ou d’une pratique (Abric, 1994). Ce stéréotypage est récurrent sur notre terrain. Les langues sont perçues comme distinctes, parfaitement équilibrées, deux tuyaux qui ne se rencontrent jamais (Gajo 2001, Dabène 1994, Heller 2002). L’un des enjeux de l’étude est de rendre compte de la construction sociale qui existe derrière les discours. L’intérêt premier est de comprendre quelles constructions sociales génèrent des pratiques et des représentations des langues qui mettent en exergue une relation dominant/dominé. Nous montrerons comment, depuis un peu plus de 10 ans, nos enquêtes ethnographiques ont permis la récolte du corpus comprenant les discours des différents acteurs partenaires de la scolarisation des élèves migrants à différents niveaux : les établissements (premier et second degrés) qui les accueillent, les CASNAV (Centre d’accueil et de scolarisation pour les enfants nouvellement arrivés et du voyage) dans les différents quartiers de grandes villes françaises. Nous décrirons comment se constitue ce stéréotype du bilingue à l’Ecole française et les possibilités de le déconstruire en revalorisant les langues et les alternances linguistiques car le bi-plurilinguisme n’est pas une addition de monolinguismes (Cummins, 2000) mais une « compétence plurielle, complexe, voire composite et hétérogène » (Coste, Moore et Zarate, 1997/2009, p. 12). Pour sortir du stéréotype du bilingue étudié, nous proposons d’agir en faveur de la reconnaissance et de la mobilisation des ressources langagières des élèves à l’Ecole depuis 2004. Des activités de classe et des formations du personnel éducatif en faveur d’une meilleure connaissance de la sociolinguistique ont été ainsi proposées au niveau national et européen. L’impact de ces propositions a été mesuré au niveau national. Nous conclurons sur l’état des réticences et des transformations concernant la question du bilinguisme à l’Ecole en France.