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Détail de la contribution

Auteur: Thomas BEARTH

Titre:
Thématisation, focalisation et l'école de Ferdinand de Saussure


Abstract/Résumé: Le cadre théorique dans lequel on envisage l’articulation du discours en thème et rhème, alias TFA (topic-focus articulation), s'inspire d'un paradigme qui conçoit le processus de la communication comme transfert d’information. Les notions d’information, de structure d’information (Lambrecht 1994) ou de dynamisme communicatif (École de Prague) sont suggestives de cet apriori, comme le sont aussi des métaphores telles que l'"emballage de l'information“ (Chafe 1976), "flux informationnel" (Roberts 1998) ou "stock de connaissances partagées" (Hajičova et al. 1998). Or, s’il existe, dans « nos » langues, des corrélations observées entre procédés d’ordre prosodique et de variation de l'ordre des constituants d’une part et le statut informationnel des unités de l'autre, ces corrélations sont loin d’être universelles. Ainsi, le test de questionnement « partiel » comme prototype de l’instanciation d’une variable donnant lieu à une focalisation (Hajičova 1983) est falsifié dans des langues africaines aussi diverses que le swahili, l’akan, le toura (mandé) et le somalien (Ajello 1995). Par ailleurs, les solutions proposées pour rendre plus opérationnelle l’hypothèse de la « structure informationnelle“ – telles que l’affinement des notions du „donné“ et du „nouveau“, les lectures « étroites » et « larges », le paramètre du coût d'activation (Prince 1981) ou la définition relationnelle du « focus » (Lambrecht 1994) – ne suffisent pas pour remédier à l’inadéquation fondamentale qui réside dans les présupposés sous-tendant la notion même de la "structure informationnelle". À la recherche d'une alternative, un regard sur la linguistique française et plus spécifiquement saussurienne vaut bien la peine. Au prix de mettre entre parenthèses le mythe de la toto-suffisance des outils analytiques que nous propose une science monopolisée par l'anglais, il nous invite à une réflexion originale sur ce thème à partir de présupposés théoriques différents. M’inspirant d’observations remontant à Charles Bally (1932) et Henri Frei (études de la phrase segmentée) – tous deux précurseurs des « théories d’énonciation » (Ducrot) – et d’analyses convergentes de données de langue diverses - dont Boakye (1982), thèse sur l'akan dirigée par Frei - l’axiomatisation du fonctionnement de la TFA sur la base de la co-instanciation de variables énonciatives et référentielles ainsi que la prise en compte de l'implicite fournissent le cadre d'une analyse mieux adaptée à l'hétérogénéité de la TFA attestée au travers le monde et aux exigences d’une description plus adéquate des conditions de son fonctionnement, tout en offrant une analyse cohérente de phénomènes spécifiques tels que la I-topicalisation – dite "effet Büring" – laissés pour compte par les descriptions classiques de la TFA dans "nos" langues (Büring 1997).